Revue 101, octobre 2019. Un article de Philippe Mimouni, vétérinaire au Centre de Reproduction des Carnivores du Sud Ouest ( CRECS).

La pratique d’une activité sportive est souvent synonyme d’un stand bye sur le plan de la reproduction. Chez la chienne de chasse ou/et de sport, la mise à la reproduction est toujours source de questions souvent mal élucidées ou de problèmes plus ou moins perturbants.
Nous allons résumer de façon simple toutes les situations que vous pourrez rencontrer avec votre chienne.

ACTIVITÉ SPORTIVE ET GESTATION :

La question que tout amateur se pose est « est ce que je peut faire courir ma chienne qui vient d’être saillie et jusqu’à quand ». On peut effectivement faire courir sa chienne sans problème jusqu’à 1 mois de grossesse tout en restant dans les limites du raisonnable : il est inconscient de faire par exemple une sortie en montagne de 4 ou 5 heures avec une chienne gestante. D’autre part il faut être conscient que toute affection contractée par la chienne pendant cette période (toux de chenil, piroplasmose…) sera souvent préjudiciable pour la future portée et parfois pour la chienne. Souvent les thérapeutiques peuvent être foetotoxiques et toute affection hyperthermisante peut être abortive. Donc un conseil limiter les sorties au strict minimum pour garder la chienne en forme. La chienne est pendant cette période très réceptive à certains germes entrainant des troubles de la reproduction (herpès, mycoplasmes) et il faudra systématiquement éviter toutes les concentrations de chiens où la circulation de germes est souvent très importante (expositions, field-trials).

ACTIVITÉ SPORTIVE ET STÉRILISATION :

Si votre chienne n’est pas destinée à la reproduction (chiennes de chasse) la stérilisation peut être une alternative intéressante pour vous permettre de pouvoir optimiser l’utilisation de votre partenaire. La stérilisation ne perturbe pas du tout la fonction olfactive : ainsi les chiennes utilisées dans la recherche des explosifs ou de drogue sont systématiquement stérilisées sans que cela diminue leurs aptitudes. La stérilisation sur une chienne qui continue une activité sportive n’entraine pas de prise de poids. Il existe cependant quelques effets secondaires de la stérilisation la plus connue étant la possibilité d’une incontinence urinaire (chez le Pointer moins de 10% des cas). La stérilisation précoce diminue considérablement le risque d’apparition de tumeurs mammaires et empêche l’apparition d’un pyomètre (pathologie fréquente chez la chienne âgée non stérilisée)

GESTION DES CHALEURS SUR UNE CHIENNE AYANT UNE ACTIVITÉ SPORTIVE :

Tous les contraceptifs existant dans le commerce ou chez votre vétérinaire sont dangereux pour les chiennes : Ils entrainent des cas d’infertilité souvent irréversible et peuvent également favoriser l’apparition d’un pyomètre (avec mise en danger de la vie de la chienne et/ou stérilisation en urgence)
Seule l’utilisation d’implants destinés à la castration chimique des mâles semble être possible mais sous contrôle vétérinaire strict. Comment faire lorsque la période de chaleurs coïncide avec la période d’activité ? Souvent la carrière de la femelle est pénalisée par une survenue des chaleurs au mauvais moment, la seule possibilité que l’on puisse proposer est de déclencher les chaleurs (souvent dans le mois ou les deux mois qui précèdent les chaleurs normales car sinon cela ne fonctionne pas) avec soit des antiprolactiniques (Type GALASTOP ND) ou des antagonistes de la GnRH (implant de Suprelorin ND) Dans tous les cas, ne jouez pas aux apprentis sorciers et ces protocoles doivent toujours être placés sous contrôle vétérinaire strict.
Actuellement, l’utilisation d’implant est vraisemblablement la plus intéressante car provoque les chaleurs dans les dix jours mais aucune autorisation de mise sur le marché n’existe chez la chienne (utilisation hors AMM mais se produit étant utilisé depuis de nombreuses années, aucun effet secondaire grave n’a été mentionné sauf si la chienne avait une pathologie antérieure à la pose de l’implant). D’autre part l’implant devra être retiré dès que la chienne aura ovulé (petite intervention sous anesthésie locale).
Cette technique peut être également intéressante lorsque l’on veut programmer une saillie (avec cependant la possibilité non négligeable de chaleurs anovulatoires donc non fécondes).

COMMENT GÉRER LA PÉRIODE POST CHALEURS (METOESTRUS)?

Les éleveurs et propriétaires côtoyant régulièrement les milieux de la compétition avec leurs chiennes, trouvent, souvent que leurs chiennes sont « perturbées » pendant le metoestrus, ce qui les empêche de concourir normalement.
En effet, certains scientifiques ont montré que la progestérone pouvait influencer sur les performances physiques (endurance moins élevée, récupération physique moins bonne).
La progestérone entraîne une augmentation discrète de la température corporelle. Ainsi, la force musculaire serait moins bonne pendant la phase lutéale à cause de l’augmentation de la température en profondeur du muscle pendant cette période. De plus, l’augmentation de la température entraînerait une augmentation de la fréquence cardiaque.
Elle agit également sur les qualités psychiques car on remarque également une sensibilité de nez exacerbée (faux arrêts) et une réactivité modifiée (refus de patron). En résumé elles se trainent et arrêtent les alouettes !!!
Deux hormones interviennent :
1/ La progestérone qui est présente chez la chienne qu’elle soit ou non gestante (contrairement aux autres espèces) : ceci entrainant également une autre perturbation qui est la pseudogestation (associée parfois à une pseudolactation).
2/ La prolactine : qui elle apparait plus tardivement après la fin de chaleurs et est responsable plus de troubles comportementaux type désobéissance inattendue etc…
Il existe des protocoles utilisant soit des antiprogesterones soit dans antiprolactiniques qui permettent de compenser de manière ponctuelle ces désordres. Encore une fois, seul un vétérinaire pourra après un examen approfondi vous orienter dans la décision thérapeutique ou non. Ainsi un début de pyomètre pourra être confondu avec une baisse de forme du metoestrus.

CONCLUSION :

Nous conseillons de faire reproduire les chiennes avant qu’elles commencent leur cursus de Concours (expo ou travail) vers l’âge de 24 mois afin de mettre en quelque sorte le « moule en place » et non de commencer une carrière de reproductrice uniquement lorsque ce cursus est réalisé (vers 5 -6 ans). En effet une gestation n’altère jamais physiquement une chienne et une chienne mise à la reproduction tardivement aura plus de difficultés à avoir une portée (résorptions fréquentes, avortements, chaleurs irrégulières) qu’une jeune chienne.
Nous voyons actuellement des chiennes qui deviennent championnes de plus en plus jeunes et cela devrait être mis à profit pour reproduire tôt dans leur existence. Les calendriers de concours se prolongeant de plus en plus au cours de l’année la mise à la reproduction est retardée de cycle en cycle pour ne pas pénaliser la « carrière » et on peut voir ainsi des chiennes de grandes qualités arriver à 6 ans sans avoir procréé et avec lesquelles on aura de grandes difficultés à réussir à avoir une progéniture (parfois jamais).
En ce qui concerne les mâles nous conseillons la congélation de semence le plus jeune possible dès que les aptitudes hors du commun sont mises en évidence (entre 18 mois et 4 ans).
De nombreux éleveurs ont compris que l’utilisation des collatéraux était une éventualité qu’il ne fallait pas négliger.

Philippe Mimouni,
vétérinaire au Centre de Reproduction des Carnivores du Sud Ouest ( CRECS)