Un article de Bruno Maury.
Qui n’a pas entendu, au cours des résultats de la Grande Quête, le soir : « Parcours bien dans la note du concours … » ? Qui n’a pas craint lors des premiers concours que son chien ne soit pas dans la note ?
Alors, qu’est cette « note », ce « LA » qui ne peut être donné en début de concours par un juge détenteur du diapason, ou comme en slalom spécial par un ouvreur donnant le temps de base?
Il faut donc se résigner à quantifier l’inquantifiable ou plutôt essayer de définir à l’intention des néophytes, de plus en plus nombreux à s’intéresser à cette discipline, une idée aussi juste que possible de ce qu’est la note de ce concours si particulier que constitue la Grande Quête.
Mais avant d’aborder le problème particulier de la Grande Quête, il est bon de se demander ce qui fait la différence entre un chien de chasse pratique et un chien de compétition.
Un chien de compétition, dans toutes les disciplines, doit être d’abord un grand chien de chasse. Un grand chien de chasse est un chien qui chasse avec une grande passion, une grande avidité, qui analyse le terrain avec rapidité et intelligence et va chercher les oiseaux là ou ils peuvent se trouver. C’est un trouveur d’oiseaux : Il « invente » les perdreaux ou les bécasses. Ensuite, mais seulement ensuite, viennent étendue de quête, style, etc.
Il faut noter à ce propos que les field-trials furent inventé par quelques Lords anglais ou écossais et leurs gardes-chasses pour comparer leurs meilleurs chiens de chasse ; la compétition dans sa beauté mais aussi ses erreurs, en particulier celle qui consiste à masquer un manque de qualités naturelles ou d’expérience par un dressage confinant à la mécanisation, n’est venue que bien après. Un chien de compétition doit avoir en plus un style assez proche du standard de travail, il doit être typique de sa race et avoir une quête étendue. Il faudrait, à ce sujet, préciser que plus que la quête elle-même, ce qui est important est la notion de travail utile : Il existe des chiens qui à 50m font un travail inutile et d’autres qui à 500m font un travail utile.
Qu’est-ce qui différencie la Grande Quête de tous les autres concours ? La réponse est dans le règlement : » Les épreuves de Grande Quête sont caractérisées par : la présentation en couple, la rapidité des allures, l’étendue de la quête, le patron. « La présentation en couple.
Il est évident que des épreuves de Grande Quête en solo ne peuvent se concevoir, sauf lors d’un derby. Ce qui caractérise la présentation en couple est d’abord la capacité, pour les deux chiens, d’échanger leurs terrains, c’est à dire d’explorer, chacun à leur tour les cotés droit et gauche du terrain, sans se suivre, sans talonner, sans se jalouser.Cet échange de terrain débute au lancer, au départ, au cours duquel chaque chien doit aller explorer aussi loin que possible le coté du terrain qui lui a été attribué.A ce niveau, un chien qui ne se mettra pas bien sur le terrain et ne sera pas capable de courir en couple sera considéré comme « pas dans la note » et éliminé.
La rapidité des allures.
Le standard de travail dit que le Setter Anglais doit avoir un galop ample, aisé, élégant, rapide, ni nerveux ou impétueux, mais fluide et souple, rasant et près de terre. En Grande Quête, une certaine vélocité de déplacement est nécessaire pour que la quête réponde aux caractéristiques que nous verrons plus loin, mais nous pouvons d’ores et déjà dire qu’une allure lente, c’est à dire un galop lent qui se traduit par un déplacement lent ne peut conduire à une quête étendue en couple. Pour cela, il faut un galop, qui sans être répétitif est rapide et soutenu.
La Grande Quête est le domaine de la vitesse, de l’extrême; on est toujours à la limite de la violence et la douceur du galop, de la prise de point et de toutes les attitudes du Setter Anglais pourraient paraître opposées à ce monde. Pourtant, quand on étudie les résultats des grands concours internationaux, on se rend compte que les Setters Anglais gagnent avec, au moins autant de régularité que leurs cousins à poil court, pourtant souvent plus rapides.Cela prouve, s’il en est besoin que la recherche de la vitesse pure n’est pas un élément déterminant et qu’un parcours ne se juge pas comme une course de Whippets.
Ce n’est pas pour autant que le galop doit être lent et mou. Les galops nerveux et répétitifs qui étaient monnaie courante il y a quelques années chez des sujets de taille insuffisante, ont, avec le relèvement des tailles, presqu’ entièrement disparus : il est évident que l’allongement des rayons, en permettant une foulée plus ample, donc plus longue, permet une plus grande vitesse de déplacement sans que la douceur du galop, ni sa fluidité en soient affectés.
L’étendue de la quête.
Le règlement parle de distance : environ 250m à gauche, 250m à droite. Cela me semble être un minimum. Si nous considérons en effet que des juges d’aile bien placés sont situés à environ 150m du juge de centre, une amplitude de lacets de 150 ou 200m supplémentaires portant le point extrême du lacet à 300 ou 350m du centre paraît tout à fait convenable.
250m paraît ainsi être la limite inférieure de la note, mais on peut, sans que le chien soit véritablement en sortie de main, être au dessus de la note avec des distances très supérieures à celles proposées, en particulier en terrain vallonné. Là aussi le bon sens impose que le travail du chien puisse être contrôlé et quand on voit s’éloigner, jusqu’à ne plus être qu’un point blanc, dans le meilleur des cas, le chien au bout de son lacet, on ne peut dire sans mauvaise foi que l’action est contrôlable.
La quête doit aussi être justement ouverte, c’est à dire que le chien doit repasser à une bonne portée de fusil, 40 ou 50m devant le conducteur. Comme celui-ci marche, si les lacets sont de bonne amplitude, on a vite une profondeur réelle de lacets importante, imposant une puissance de nez exceptionnelle qui fait aussi partie des dons demandés aux sujets de Grande Quête.
Si le chien est lent ou manque d’ambition, il va repasser au ras des pieds de son conducteur ou, pire celui-ci devra l’attendre. A l’opposé, un chien qui quête trop en profondeur oblige conducteurs et juges à forcer inutilement l’allure et le concours s’emballe sans raison. Si en Quête de Chasse, une quête irrégulière peut, malgré tout être contrôlée, ici, les distances rendent tout plus difficile et une quête bien balancée est indispensable.
Le patron.
Le patron doit être, évidemment, spontané et peut être un critère pour départager deux chiens, l’un ayant eu l’occasion de patronner, l’autre pas. C’est dans cet esprit qu’un parcours complet contient au moins un patron. Dire que le refus de patron est éliminatoire est superflu et amener en Grande Quête un chien qui patronne mal est inutile car il lui manque une caractéristique essentielle de la note du concours, mais surtout antisportif pour le manque de respect qu’il suppose à l’endroit du partenaire de couple et de son conducteur.
Avant de clore ce petit rappel de ce qu’est la note, je crois qu’il faut dire quelques mots du style, même si il ne fit pas partie, stricto sensu, de la notion de note.Un Setter Anglais dont la quête est dans la note, qui court parfaitement en couple, qui patronne mais court comme un chameau et arrête debout comme un pointer, ne pourra dépasser un classement modeste. Les grands setters de Grande Quête que j’ai pu juger ou voir, ces dernières années, n’ont pas des galops exceptionnels : souvent un peut « debout » et un peu trop rapides, mais ils n’étaient que peu éloignés de l’idéal et avaient des prise de point et des styles d’arrêt de grande qualité. La Grande Quête ne doit pas non plus être un concours d’élégance : c’est avant tout un concours qui met en scène des sujets exceptionnels par leurs qualités d’audace, de nez, et d’intelligence, par leur classe.
Est-il besoin d’ajouter qu’en Grande Quête, aussi, il faut avoir pris un point ?Il est bon de le rappeler car un grand parcours vu du bord de la route est tellement enthousiasmant que l’on a parfois tendance à oublier ce point fondamental : l’arrêt des oiseaux à bonne distance, but et raison d’être de tous concours de chiens d’arrêt.
Bruno Maury.