Revue 107, septembre 2022. Un article de Philippe Mimouni, vétérinaire au Centre de Reproduction des Carnivores du Sud Ouest (CRECS).
« Philippe, mon chien n’a pas bien tourné aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il a plus de flair!! . En plus il tousse un peu et j’en ai un autre aussi qui tousse? Qu’est ce tu en penses ? »
Voilà le genre d’incident auquel vous pourrez malheureusement être confronté pendant la saison de Field : la trachéobronchite infectieuse autrement dit la terrible Toux de Chenil.
Son appellation « de chenil » pour bien insister sur le caractère très contagieux de cette affection.
Si c’est une maladie que l’on trouve plus régulièrement dans les chenils de pension et d’élevage du fait de la grande circulation d’individus, on peut également la contracter lors d’une saison de concours du fait de la provenance très variée des chiens et du brassage des participants.
Avant de décrire les éléments essentiels qui permettrons de diminuer le risque (le risque zéro n’existant pas) nous allons parler de la maladie proprement dite.
Quels sont les responsables de la Toux de Chenil ?
Contrairement à ce que laisserai penser son appellation d’origine (Toux de Chenil), cette affection canine n’est pas uniquement reliée à la vie en collectivité (chenil) mais également à la simple proximité entre chiens (par exemple deux chiens courant en couple). Ainsi le simple contact entre individus peut entrainer la propagation de la maladie. Cette affection est bien connue des éleveurs, des dresseurs, des pensions et refuges, elle est beaucoup moins du propriétaire particulier ou de l’amateur de chien d’arrêt. Pour mieux lutter contre cette maladie il faut connaitre son étiologie (agents infectieux) et son épidémiologie (mode de contagion).
L’Agent infectieux essentiel est une bactérie : Bordetella Bronchoseptica. Cependant d’autres agents infectieux interviennent, notamment des virus (Parainfluenza = Pi du vaccin CHLPPi, Adénovirus, Herpès virus) et d’autres germes (Mycoplasmes, Pasteurelles) mais jouent un rôle secondaire. La vaccination contre le Parainfluenza ne permet pas de protéger contre une Trachéobronchite infectieuse mais va limiter la surinfection virale.
Il faut également mentionner les facteurs favorisants environnementaux : le stress, l’humidité (fréquente dans les camions des dresseurs) les variations de températures, la baisse des défenses immunitaires.
La bactérie (Bordetella) va se fixer à la surface des cellules l’appareil respiratoire et sécréter des toxines qui vont être responsables des symptômes . La bactérie peut se multiplier à bas bruit et pénétrer dans les cellules (ne reste plus en surface) pour entrainer une forme chronique (toux récurrente) ou peut se compliquer d’une surinfection virale (et entraîner une bronchopneumonie grave).
L’existence de porteurs sains est possible mais non prouvé
Comment se transmet une toux de chenil ?
La bactérie est présente dans les sécrétions nasales et se transmet entre chiens par simple contact (« reniflage »). La transmission indirecte est envisageable (par exemple on manipule un chien atteint puis on en manipule un autre et on lui transmet ainsi la bactérie). Elle est le plus souvent associée aux collectivités canines mais aussi lors de rassemblements canins (expositions, Field trial). Attention le contact occasionnel et bref suffit à la contamination.
Même s’il faut pas devenir parano, il ne faut en règle générale ne jamais mettre son chien dans une autre véhicule sans savoir s’il n’y pas de problème infectieux (même bénin) ou parasitaires. La présence d’un chien contagieux lors d’un field entraine irrémédiablement la contamination progressive (sur plusieurs jours la plupart du temps) de tous les chiens du circuit: surtout si le propriétaire du chien à l’origine de l’épidémie ne prend pas un minimum de précautions.
Les chiens sont sensibles à la maladie à n’importe quel âge, mais les chiots présentent souvent des formes plus graves parfois mortelles.
Quels sont les symptômes de la toux de chenil:
- Eternuements, Toux forte et sonore, perte transitoire du flair.
- Toux forte, sèche, quinteuse, sonore parfois émétisante (vomissements en fin de quinte)
- Toux exacerbée par l’exercice ou par simple palpation de la trachée.
- Episode fébrile de courte durée (souvent lié à une surinfection virale)
- Dans la majorité des cas il n’y a pas d’atteinte de l’état général sauf si la maladie évolue vers une complication bactérienne profonde (pneumonie), on peut alors avoir un abattement sévère, une hyperthermie et des grosses difficultés respiratoires .
Le diagnostic est avant tout clinique (toux contagieuse) et épidémiologique (a été en contact avec un animal qui toussait) mais on est parfois obligé d’effectuer des prélèvements sur les formes chroniques ou compliquées (analyse bactériologique et PCR d’un prélèvement trachéal)
Comment soigner une toux de chenil:
Il n’existe pas de traitement proprement dit standardisé. En Pratique, il fait appel aux antibiotiques et anti-inflammatoires . L’utilisation d’antitussifs et d’aérosols sont parfois nécessaires . La toux peut parfois persister plusieurs semaines même sous traitement . Il faut bien retenir que le traitement doit durer parfois plus de 3 semaines . Dans tous les cas, l’antibiothérapie sera prolongée une semaine après la disparition des symptômes . La maladie pourra évoluer vers une forme compliquée beaucoup plus grave. En cas de guérison, le chien pourra rester parfois contagieux en raison de la persistance des bactéries à l’intérieur de cellules.
La guérison d’une toux de chenil est assez longue (3 semaines) mais peut être beaucoup longue dans les cas de complications .
La prévention repose essentiellement sur la vaccination contre Bordetella Bronchoseptica.
Si les mesures d’hygiène sont essentielles, elles se limitent à éviter les contacts entre les chiens (plus facile à dire qu’a faire !) .
Un chien qui tousse ne devrait pas concourir mais c’est une décision que seul peut prendre le présentateur (ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas).
Si un cas de toux de chenil s’avérait confirmé, cela devrait être le fait des organisateurs de prendre une décision mais ce n’est pas envisagé dans le règlement ou plutôt jamais appliqué .
Il est indispensable d’amener son chien lors d’une compétition uniquement s’il est complètement déparasité (parasites externes et internes) et parfaitement vacciné .
En Elevage, la Toux de Chenil est plus fréquente pendant la mauvaise saison, période pendant laquelle on note des variations la température et de l’hygrométrie
La vaccination contre la toux de chenil est indispensable si on ne veut pas ruiner définitivement sa saison et parfois ( souvent) celle de ses collègues . En quelque sorte ne pas vacciner son chien avant la saison ou avant de l’amener dans une pension ( dressage …) est un mélange d’inconscience et d’incompétence : cela peut être considéré quasiment comme une faute professionnelle dans le camion d’un dresseur par exemple.
Et surtout garder en conscience que la vaccination seule contre le Pi (para influenza ) n’est pas une vaccination contre la toux de chenil !
Même si la toux de chenil est rarement une maladie grave mais plutôt une maladie gênante et handicapante pour un chien de compétition .Il est fortement conseillé de vacciner tous les chiens même s’ils ne concourent pas ( à partir où ils sont dans le véhicule et côtoient les chiens participant le risque existe) . D’autre part le cout du traitement peut devenir vite onéreux ( durée longue et contagiosité à tous les chiens de l’élevage)
Il existe 4 vaccins mais il faudra s’orienter de préférence vers les vaccins administrés par voie nasale beaucoup plus pratiques d’utilisation, très efficaces et permettent une installation rapide d’immunité .
1/ VERSICAN PLUS BB ORAL (Bordetella).
– Administration facile par voie orale
– Primo-vaccination : une seule administration
– Immunité au bout de 3 semaines, Il est recommandé de la faire tous les 6 mois .
– Chiot de plus de 8 semaines
– Impossible sur la femelle gestante ou allaitante
– Ne pas administrer d’antibiotiques dans les 14 jours qui suivent l’administration (neutralise le vaccin)
– Effets secondaires possible : écoulement oculo-nasal. Diarrhée ou toux transitoire.
2/ VERSICAN PLUS BB IN ( Bordetella)
– Administration Par voie intranasale
– Primo vaccination : une seule administration
– Immunité au bout de 5 jours et durée un an
– Chiot de plus de 8 semaines
– Ne pas vacciner femelle restante ou allaitante.
– Ne pas administrer d’antibiotiques pendant 14 jours
– Effets secondaires : toux transitoire ( 1 à 2 jours ), Ecoulement oculo nasal possible .
3/ PNEUMODOG (Bordetella plus Parainfluenza).
– Vaccin injectable
– Chiot à partir de 4 semaines
– Attention primo-vaccination : 2 injections à 15 jours d’intervalle.
– Immunité 7 jours après la deuxième injection et durée un an
– Effets secondaires : douleur au point d’injection.
4/ NOBIVAC KC ( Bordetella plus Parainfluenza)
– Administration par voie intranasale.
– Primo vaccination : 1 seule administration.
– Immunité contre Bordetella au bout de 72 heures (Parainfluenza au bout de 3 semaines) et durée 10 à 12 mois.
– Chiot de plus de 3 semaines.
– Utilisable sur la chienne gestante.
– Ne pas administrer en même temps qu’un traitement antibiotique.
– Effets secondaires: peuvent être importants sur les chiots (éternuements et toux) pouvant durer 4 semaines (traitement à mettre en place).
5/NOBIVAC® RESPIRA BB (Bordetella bronchoseptica)
– Vaccin injectable
– Début de l’immunité : 2 semaines.
– Durée de l’immunité : 7 mois après la primovaccination, 1 an après le rappel.
– Primovaccination = deux injections avec un intervalle de 4 semaines
– Vaccination à partir de 6 semaines
La toux de chenil n’est pas une fatalité en Field mais pourrait être évitée de manière simple :
- Vaccination correcte de TOUS les chiens.
- Isolement des chiens malades ce qui implique un arrêt de présentation des chiens malades et des chiens en contact direct (chiens d’un même camion)
- Honnêteté de la part des propriétaires de chiens malades vis a vis des autres concurrents (éviter de présenter en couple, éviter les entrainements communs lors de symptômes évidents de toux de chenil et respecter la période de contagiosité très longue avant de remettre les chiens malades dans le circuit)
Ces directives sont cependant très difficiles à appliquer et nécessitent la mise en place d’un contrôle sanitaire strict qui serait largement impopulaire mais qui éviterait bien des désagréments aux participants et à leurs chiens.