Revue 101, octobre 2019. Interview par Pascale Daniel.
Bonjour Jean Michel tu es dresseur et éleveur depuis 1985
peux-tu nous parler de la sélection des chiots
JMS : Je tiens tout d’abord à préciser que la génétique canine est très complexe et que personne ne détient la vérité absolue… Ce dont je vais parler n’est que le fruit de mon expérience et de mes observations personnelles…de ce en quoi je crois profondément sans vouloir donner de quelconques leçons … Si en génétique un champion et une championne engendraient systématiquement des champions ce serait trop simple et probablement moins passionnant… La sélection des chiots sera forcément différente selon que l’on recherche un chiot pour la chasse ou pour la compétition et il est illusoire d’appliquer une méthode identique et formalisée. Elle sera à adapter à chaque chiot.
Comment procèdes tu ?
JMS : J’essaie de conserver le plus grand nombre de chiots et le plus longtemps possible, mais dès le 1er mois il est intéressant d’observer :
• Les malformations
• Les tétées
• Les pattes
• La réaction aux bruits individuellement
A deux mois il est important d’observer :
• La morphologie par comparaison-bien que ce soit encore difficile à cet âge
• Le contact
• L’entreprise
• Et déjà un peu le port de tête
Si un premier choix doit être fait dès 2 mois il faut bien se dire qu’il s’agit d’un coup de coeur …ou d’un coup de chance…
On voit souvent utiliser le « test de la canne à pêche « qu’en penses-tu ?
JMS : Grrr !!!!Pour moi cela ne présente pas d’intérêt ! sauf peut être pour la position du chiot mais qui est déclenchée par la vision : or, on apprend à un chiot à utiliser son nez pas ses yeux et le comportement risque de changer à la prise d’émanation
Ensuite quel est le programme ?
JMS : A partir de 3 mois et au-delà, les critères seront plus sévères pour les chiens destinés à la compétition, et la différenciation pourra débuter en gardant à l’esprit que beaucoup de choses peuvent évoluer.
• On repère les ports de tête, de chanfrein et de queue et on vérifie si les bonnes attitudes sont régulières
• L’appréciation des mouvements est encore difficile et peut encore évoluer avec la passion
Pour la mise présence je procède de 2 façons :
• un 1er contact – avec 2 chiots ensemble-sur un terrain dégagé (prairie) et si possible un pigeon tenu par les 2 pattes à hauteur de poitrine pour ne pas effrayer les chiots et éviter qu’ils reçoivent un coup d’aile. Je lâche l’oiseau et suit la réaction : si le chiot part sous l’aile c’est bien, s’il est surpris il faudra renouveler régulièrement .
• Un contact avec des perdreaux, toujours en prairie, en individuel cette fois. Il faut considérer qu’un perdreau lâché est perdu et se concentrer sur le travail du chiot.
• Ensuite il possible de passer au bois avec des perdreaux. Si l’un des chiots les retrouve facilement et régulièrement il sera à privilégier en objectif chasse si les allures ne sont que correctes. Si les allures sont d’un niveau supérieur c’est celui qu’il faudra conserver éventuellement pour la compétition selon son évolution.
Qu’est ce que tu observes lors de ces premières séances de travail ?
JMS :
Ces premières mises en présence permettent d’observer :
• la continuité dans la recherche d’émanations, qui est importante pour la chasse, la continuité entraînant une facilité à trouver
• Les allures pour la compétition
• La puissance, la finesse de nez et la prise d’émanation qui est l’essence même de notre race avec la position d’arrêt
Il est intéressant de privilégier la boîte d’envol pour vérifier la touche d’émanation, c’est d’ailleurs ce que je fais, ce qui facilite le travail et permet de contrôler le départ de l’oiseau.
Attention de ne pas déclencher lorsque le chiot est très près de la boîte, l’idéal étant derrière un grillage ou dans un roncier.
L’étape suivante sur perdreaux dans un milieu fermé est beaucoup plus significative et confirme ou infirme les premières impressions.
Quel est pour toi le chiot le plus intéressant ?
JMS :celui qui touche l’émanation et la remonte comme si il y avait un fil entre son nez et l’oiseau au bout d’un bref arrêt …ou pas, ce n’est pas important à cet âge là.
-un chiot qui s’excite dans tous les sens ou qui cherche au sol ne me plait pas mais avec de l’expérience il peut s’en sortir correctement.
-un chiot qui arrête en style évidemment
Mais la position n’est pas définitive, le gibier, le biotope…et le dressage malheureusement peuvent la faire évoluer.
À cet âge un chiot qui n’arrête pas ou qui marque seulement n’est pas un problème.
Attention par contre au chiot qui arrête comme un piquet et qui pourra devenir sensible en vieillissant ou manquer d’autorité .
Le chiot ne doit pas subir de contraintes en action de chasse, toutes les interventions sur l’émanation, l’arrêt peuvent laisser des traces irréversibles surtout pour la compétition. Il faut laisser au chiot le temps de développer ses qualités naturelles.
Merci Jean Michel, quelle serait ta conclusion ?
Pour choisir les chiots que vous souhaitez garder il faut :
• Observer
• Sortir le plus souvent possible
• Rester objectif
• Avoir de la chance…
Si ces quelques lignes peuvent aider les nouveaux éleveurs le but sera atteint.