Revue 98, février 2018. Interview par Bruno Maury.
Simone, tu viens ou plutôt un chien de ton élevage, Cyrano du Tourbillon Blanc, ton affixe, vient de gagner le Championnat d’Europe Setter de Chasse pratique. Que cela signifie-t-il pour toi ?
J’ai réalisé un de mes grands rêves ; c’est vraiment parfait parce que Cyrano provient de mon élevage, est mon unique mâle et va toujours rester l’unique mâle dans notre maison de femelles. En plus je peux dire qu’il a vraiment tourné très fort ces deux journées (classé les deux jours). C’est la récompense pour tous les peines et les heures de travail sans succès dans le passé. Combien de fois, avec la politique dans les championnats, je suis passé à côté du gros lot !
A la lumière de ce succès, peux-tu nous dire, brièvement et, bien sûr, sans entrer dans ta vie privée, qui es-tu, comment as-tu commencé ?
Je suis une toute simple professeure d’art ménager dans l’école obligatoire en Suisse. Un boulot qui ne facilite pas les concours, comme les vacances scolaires ne tombent pas au bon moment et prendre des congés supplémentaires est mal vu à l’école. Pour mon diplôme, j’avais reçu de mes parents un setter anglais- Groupie du Clos Bianca- c’est avec elle que j’ai commencé avec les concours et la chasse. Vite, j’ai réalisé que pour une seule chienne, les efforts étaient trop grand : alors peu après j’ai eu deux, et trois chiens. Et en 2008 j’ai décidé de me lancer dans un petit élevage amateur. Le nom Tourbillon blanc, choisi par mon père, était plus que parfait, comme
de mon côté je suis moi-même un petit tourbillon !
Quel a été ton parcours, jusqu’à aujourd’hui, dans les chiens, comme éleveuse et présentatrice et maintenant dans la cynophilie officielle ?
J’ai commencé comme petite amatrice qui pouvait se payer dix concours dans l’année en 1994. C’est surtout en 2008 que, quand j’avais commencé à élever que j’ai bien forcé dans les concours et la chasse. C’est devenu ma grande passion qui occupait presque tous mon temps libre. En 2010 j’ai remporté le titre de Vice-Championne femelle de printemps en Serbie avec Altesse du Tourbillon blanc. Depuis ce temps, j’ai régulièrement participé à différents championnats sous le drapeau Suisse et aussi remporté quelques titres. Dans mon élevage j’ai eu la chance de commencer avec une bonne lice. Entre temps je pense que les Tourbillons se sont fait un petit nom dans le monde. Ils sont plus tôt beau à voir pour des setters, ont un bon caractère, et une volonté d’y « aller » à la chasse ou en concours.
Tu viens d’être Championne du Monde St Hubert : qu’est-ce que ce concours pour toi, alors que c’est la troisième année que tu le gagnes ? Quelle place occupe la chasse dans ta vie ?
La Saint Hubert est pour moi le plus beau championnat. Depuis quelques années j’y participe en me faisant, à moi et mon chien, le plaisir d’aller à la chasse pour vingt minutes. Le jury n’existe plus vraiment pour moi. Le lien entre mon chien et moi pendant ces moments est très fort. Mes trois champions du Monde Altesse (2015), Cyrano (2016) et cette année Duchesse m’ont vraiment apporté beaucoup de plaisir les jours du concours : des moments à ne plus jamais oublier. C’est le travail du chien et le mien qui compte. La chasse a commencé à être beaucoup plus importante pour moi depuis quelques années. Pour moi c’est trop beau de prendre fusil et chien et d’aller dans la nature et chasser. Et en plus le jeune chien qui va à la chasse, va être meilleur dans les concours, plus indépendant à la recherche du gibier. Malheureusement pour moi ce n’est pas si facile. Soit je réussis à avoir un terrain de chasse en Alsace ou alors, je chasse en Champagne ou au Sud de la France. Et souvent, quand j’arrive au Sud les bécasses sont déjà parties. Mais les heures de chasse sont bonnes pour la vie : du temps pour moi.
Tu es, maintenant, Présidente du Setter et Pointer Suisse après qu’Andreas Rogger, à la suite d’un grave problème personnel, t’ait passé le témoin : quelle est la situation du Setter Anglais en Suisse ?
Ce n’est pas tout à fait correct : comme Andreas avait changé son poste de travail en 2015 il ne pouvait plus rester le président du club, donc, je suis la présidente depuis février 2016. La situation du setter anglais est plus tôt triste, il n’y a que peu d’élevages en Suisse et souvent les gens préfèrent acheter un chien à l’étranger. En plus, en Suisse, à part quelques régions de montagne, (Tessin et Romandie) on n’a pas beaucoup de possibilités pour chasser ou entraîner les setters. Alors il y a beaucoup moins d’intérêt à avoir des setters. Dans les setters en Suisse c’est l’Irlandais avant le Gordon le setter recherché et ça, comme chien de compagnie et de famille. La chasse au chien d’arrêt est très réduite, en Suisse, et souvent les gens préfèrent les continentaux.
Tu suis les pas de Roberto Pedrazzetti dans le Club International du Setter Anglais, et tu sais que le Club Suisse, membre fondateur, y a beaucoup d’importance : comment vois-tu son avenir ? Comment le Club International peut-il avoir une influence sur la race et la cynophilie internationale ?
Tant que j’en ai la force et le moral je resterai debout à lutter pour plus d’honnêteté – je sais que je n’ai que quelques vrais amis. Beaucoup préfèrent profiter du flou, dans lequel eux même se complaisent, au lieu de soutenir la bonne ligne. Souvent ils sont déjà trop enfoncés dans le système « politique ». Ces années passées c’était souvent l’argent ou les noms qui ont fait les résultats. Où sont restées les idées du setter qui sait chasser et qu’on peut dresser pour qu’il reste sage à l’envol et au feu, sans qu’on doive crier derrière ? Souvent, les juges ne jugent plus le chien mais le propriétaire. On a vu trop de CAC qui ne donnent plus le frisson parce que c’était une présentation qui fait rêver. Si le Club International montre que la valeur absolue commence à compter ça donnera plus de force au Setter. Comparé aux pointers, il y a beaucoup plus de settermen mais souvent les gens ont beaucoup moins de savoir-vivre : chacun pour soi et son avantage. L’ambiance est plus à la jalousie et plutôt que de mettre en avant sa fierté contre les autres, il vaudrait mieux être fiers du Setter.
Les concours de Montagne, le Grimsel et la Mandelon, entrent dans le prestigieux circuit du Trophée italien du Saladini et les amateurs suisses y participent en nombre. Pourquoi ne les
voit-on pas en France, en montagne, mais aussi au printemps et en automne, alors que vos amateurs de setters Gordon sont très présents ?
Dans les Setters Anglais nous n’avons que peu d’amateurs, ceux de région tessinoise sont plus liés à Italie ou la Serbie. Le peu qui reste doit gérer ses congés pour les concours : ceux de la France ne sont pas toujours à petite distance ou au bon moment. De l’autre côté les juges français, dans le temps, étaient plus sévères dans leur jugement, c’était plus facile de faire un classement ailleurs qu’en France. Depuis, en France, le nombre des dresseurs a augmenté et celui des amateurs, diminué. Pour un amateur étranger, l’investissement financier, engagements, hébergement est élevé et sauf, dans les fields de Club, on n’est pas toujours bien traité. Alors la
tentation est grande d’aller plutôt à la chasse en automne !
Cette année, la France organise les Championnats d’Europe de Printemps pour l’Allemagne : seras-tu présente avec tes chiens ou comme juge ?
Oui j’essaierai d’être présente, mais, bien sûr, la Suisse va faire une sélection pour former une équipe. Alors il faut bien entrainer en avance et j’espère que j’y serai.
Tu as, sans doute, quelque chose qui te tient à coeur à ajouter, tu as quartier libre !
N’oubliez pas les amateurs, les débutants dans la cynophilie. Il faut bien les accueillir, bien les juger et surtout bien leur expliquer : ce sont nos cadres de demain, ceux avec lesquels nous construirons l’avenir de notre cynophilie, de notre race et de nos clubs. Merci de m’avoir permis de m’exprimer dans votre revue et à l’année prochaine sur les terrains de printemps.