Revue 97, septembre 2017. Un article de Bruno Maury et Jean-Yves Guilhemjouan.
En 30 ans, nous avons pu voir évoluer la Quête de Chasse avec un changement progressif de génération de présentateurs, de juges et de terrains de concours. Dans les années 80 et 90, la totalité des concours auxquels participaient les présentateurs, amateurs (nombreux) et professionnels se déroulaient en France, en grande partie dans les concours organisés par les Sociétés Canines Régionales, seuls ouverts à cette époque, les interclubs n’ayant pas valeur d’ouvert. C’est dire qu’ils avaient une importance fondamentale avec pour objet la mise en valeur des meilleurs représentants de notre race. L’arrivée des Interclubs ayant Valeur d’Ouvert (ICVO) a changé considérablement la donne en confiant bien davantage la sélection aux Clubs et ce faisant aux spécialistes de nos races Britanniques. Ceci malgré une légitime inquiétude liée à une interrogation concernant la composition des jurys « de confort », à savoir, inscrits dans un circuit géographique au plus près des intérêts financiers des Canines Régionales. Il est vrai que la tâche est ardue pour celles-ci qui, délestées de la Grande Quête, se retrouvent avec une majorité de juges issus des races continentales, sans doute, souvent, moins sensibles aux spécificités des nôtres.
D’autre part, a émergé, chez nous, une nouvelle génération de juges, plus enclins à sortir des frontières –encore pas assez, à notre avis- et à se frotter à d’autres manières de juger, faisant entrer d’avantage les caractéristiques de race dans leur critères de jugement. Les concours en Espagne, puis en Serbie, qui totalisent à eux deux un nombre supérieur d’épreuves à celles qui se déroulent en France, en empiétant souvent sur les dates françaises, doivent aussi nous faire modifier nos critères de sélection. En effet, comment ne pas prendre en compte 25 jours de concours, uniquement britanniques, et fonder notre sélection seulement sur les concours français, quand ceux organisés par les Sociétés Canines ne représentent plus qu’une petite partie de ceux auxquels les chiens qui vont à l’étranger participent. De plus, la Coupe et Championnats d’Europe ayant lieu à la fin des concours du pays qui les organise, la Serbie une année sur deux, les chiens qui y participent, qui sont donc les meilleurs, ne courent pas dans les épreuves organisées en France pendant ce temps. Il faudra bien que plus d’un CAC sur 3, (par exemple 2 dans deux pays différents) comptent pour le Championnat sous peine, raréfaction des perdreaux aidant, d’avoir plus de Champions Espagnols ou Serbes que français.
Les présentateurs ont d’autre part des comportements différents de ceux de leurs ainés. Les réseaux sociaux sont passés par là, chacun racontant son histoire comme il l’a vue (ou pas !), les rapports entre juges et concurrents, amateurs ou professionnels sont devenus plus cordiaux ce qui est plutôt mieux quand on se souvient de ce qu’ils étaient à l’époque. Mais parallèlement, la notion de respect s’est atténuée et la mise en cause des jugements n’est plus rare. Au-delà des cas individuels, c’est une réflexion que nous devons mener car il en va du bon déroulement des concours et de la conservation d’une atmosphère sereine indispensable à une sélection de qualité qui ne peut s’accommoder de tensions, rancoeurs et suspicions.
Techniquement, la quête elle-même a évoluée, sans doute en parallèle à la Grande Quête, qui, elle-même s’est considérablement élargie. Les 200m réglementaires, s’ils continuent à être une base, sont plutôt devenus un minimum. Cette élévation du niveau de la note, compte tenu que le concours est jugé par deux juges et non trois, doit avoir pour corollaire un certain nombre de règles qui s’appliquent sans problème en Grande Quête et devraient être appliquées par tous en Quête de Chasse en couples.
LE DÉPART
Suivant la position du chien sur la feuille d’ordre de passage, en France, celui du haut à gauche, à l’étranger le contraire, les chiens sont placés sur le terrain. Chacun doit faire son premier lacet, entier, bien à plat du côté où il est lancé. Il en va de la correcte mise en place des chiens, très importante pour la suite du parcours mais surtout de la sécurité que le terrain de la minute est exploré. C’est ce positionnement qui justifie non seulement la notion de minute, mais surtout de terrain de la minute. En effet, un chien qui lancé à droite part à gauche sur son premier lacet et qui au retour se tape sur un terrain, la minute sonnée, certes inexploré, mais qui aurait dû l’être, doit, logiquement être éliminé. Il ne l’est souvent pas, confortant ainsi les présentateurs dans l’erreur, ce qui remet en question cette notion de « terrain de la minute » qui est un règlement occulte, jamais formulé, qui n’a pas lieu d’être, ni ne peut être invoqué au titre du règlement, mais qui pourtant, a cours dans les jugements. Le départ du côté indiqué est une obligation. Après un mauvais départ, les chiens doivent être arrêtés et relancés après avoir changé de côté. En cas de récidive, l’élimination du, ou des fautifs, s’impose. Après une saison de ce régime, appliqué par la totalité des juges, et c’est une recommandation que nous leur faisons, nous parions nos trompettes que la chose sera réglée pour toujours.
LA QUÊTE.
La Quête de Chasse, dans la mesure où aucun oiseau passé n’est toléré, doit correspondre à un parfaite exploration du terrain. C’est dire si la densité de la quête à son importance ; par densité, il faut entendre, non seulement la régularité, mais surtout le faits que les lacets ne soient pas tronqués sans raison. Bien sûr, la rencontre d’une émanation doit amener à une remontée pour l’explorer mais, si cette remontée n’aboutit pas à une conclusion et si le lacet est repris sans que le chien ne revienne au niveau du décrochage, l’ouverture ainsi générée induit une frange considérable de terrain inexploré et porte le chien en profondeur. Or, en Quête de Chasse, comme d’ailleurs en Grande Quête, la recherche ne se fait pas à 200m devant, mais sur les côtés, une ouverture de 30 à 50m étant bien suffisante. L’ordre dans la quête n’est pas une lubie, c’est une nécessité et après les tristes « essuie glaces » que nous avons connus au siècle dernier, nous assistons, dans celui-ci, à un joyeux désordre qui semble negêner personne, sauf quelques juges dont l’opinion compte peu dans le laisser aller ambiant. Leur mission doit être d’intervenir énergiquement pour que soit respecté l’esprit du concours tant dans la quête que dans la sobriété des présentations.
LA PRISE DE POINT.
Sur le plan de la prise de point, le standard de travail est très clair : elle doit être précédée
d’un décrochage de la ligne de lacet, la remontée dans le cône d’émanation et un « accostage » rectiligne qui précède la pose d’arrêt, couchée la tête haute, mieux, semi- couchée ou très fléchie. Un point pris, comme par surprise, en plaine, couché comme mis au down, surtout s’il a été précédé au, ou aux, lacets précédents par un signe, mouvement de tête, légère inflexion, de prise de connaissance de l’émanation est certes un point valide mais très certainement pas un excellent point. Si on ajoute un coulé, alors que l’arrêt « plaqué », que certains juges pensent être « très setter », devrait indiquer des oiseaux très proches, on tombe très largement au-dessous de l’excellent point.
LE COULÉ.
Le règlement est clair mais souvent peu appliqué : le refus de couler est éliminatoire. Mais le coulé et le style de coulé, sa fluidité, sa félinité font entièrement partie du point et de sa qualité. Les coulés « valise » ou peu expressifs doivent rabaisser considérablement le qualificatif. Le règlement permet un long coulé, à condition qu’il soit décisif. Sommes-nous bien sûrs que les coulés de quelques mètres après lesquels le chien s’arrête, le conducteur tape des mains, donne de la voix et recommence 5 ou 6 fois répondent à ce qualificatif de « décisif » ?
Voici les réflexions que la saison passée nous fait vous livrer. Nous avons connu une époque au cours de laquelle les Setters Anglais français dominaient la Quête de Chasse européenne. Depuis plusieurs années, nous avons, sauf exceptions, perdu cette hégémonie : la Quête à la Française, autre appellation de la Quête de Chasse, a traversé les Alpes et les Pyrénées. Certes, le niveau de nos conducteurs a augmenté (et les confrontations internationales ont alimenté leurs réflexions) mais dans l’ensemble pas celui de nos chiens et de leurs prestations. Bien sûr, il faut continuer les efforts au niveau de l’élevage en recherchant des chiens plus typiques dans leurs mouvements et les attitudes, mais un effort de présentation, dans l’esprit, tracé plus haut doit être effectué. C’est le travail de tous : présentateurs pour le mettre en oeuvre, juges pour aider, par leur bienveillante fermeté, à sa consolidation. Une nouvelle voie s’ouvrira aussi certainement du fait de la transformation de notre cynophilie Française, liée pour l’heure à l’autorité de la SCC, qui devra permettre à notre race de conduire sa consolidation et son évolution !
Jean-Yves Guilhemjouan.
Bruno Maury.