Revue 99, septembre 2018. Un article de Louis Grall.
Alors que notre époque voit le petit gibier dont, tout particulièrement le lapin, gibier de base se raréfier et quasiment disparaître en raison des nombreux maux qui mettent en péril sa pérennité, nous assistons à une véritable explosion des populations de gros gibier dont le chevreuil, lui cadré par un plan de chasse qui a permis sa réhabilitation et le sanglier dont le développement plus anarchique et plutôt incompatible avec les méthodes actuelles de cultures déchaîne les passions de ceux qui en pratiquent la chasse.
Cette mutation si imprévisible il y a quelques années voire quelques décennies, a bouleversé notre monde et contribué à réduire considérablement le nombre de chasseurs.
Simultanément, s’est développée dans notre pays, une opinion qui, dans notre société devenue essentiellement urbaine, est hostile à l’exercice de la chasse dans tous ses aspects.
Bien que modifié par tous ces changements, notre sport favori survit et nous voyons, chaque année, fin septembre, la campagne s’animer et vivre au rythme des détonations, certes moins nombreuses mais toujours présentes pour bien prouver que cet art, contre vents et marées perdure. Loin des tableaux d’antan où lapins, lièvres, perdrix et faisans venaient améliorer le quotidien bien plus austère que le notre, le chasseur actuel est avant tout, un amoureux de la nature, il sait, et d’ailleurs le règlement le lui impose, se retenir pour apprécier pleinement tout ce bonheur que la nature avec laquelle il est en symbiose, lui apporte.
Nous nous approchons, par ce nouveau comportement du « no kill » que pratiquent bon nombre de pêcheurs. Si nous n’en sommes pas encore là, il faut prendre conscience que depuis quelques années, un petit nombre a laissé le fusil au râtelier afin de s’adonner plus pleinement à sa passion : le travail de leur chien. Il ne s’agit donc plus de prélever le moindre gibier mais tout simplement de préparer son compagnon à quatre pattes à se confronter à ses congénères dans des épreuves destinées à la compétition dans le but de sélectionner les meilleurs sujets dans les différentes races.
Les concours en question appelés « field trial » se déroulent en divers lieux sur divers gibiers qui en sont le support ; il va de soi que les sites choisis pour ces rassemblements doivent en être pourvus suffisamment de manière à ce que les chiens méritants soient mis en présence. C’est ainsi que notre département, le Finistère, n’est pas en reste ; en effet, sur bécasses, bon nombre de journées s’y déroulent, organisées pour chiens d’arrêt de races britanniques et continentales. Pour exemple, le Field organisé à Huelgoat, sur deux jours, rassemble environ 200 setters anglais ; à Trégarvan et ses environs ce sont toutes les races de chiens d’arrêt qui se retrouvent dans cette épreuve organisée par l’ACTB (Anciennement nommée Société Canine Bretonne), Il convient de remercier, pour le bon déroulement de ces épreuves, toutes les instances dirigeantes de leur haute bienveillance ; il s’agit du conseil Général, du Parc Naturel Régional d’Armorique, de la Fédération des chasseurs ainsi que de tous ceux qui offrent la possibilité d’utiliser leurs territoires, tous les bénévoles fort nombreux dont l’aide est très précieuse.
En décembre 2018, c’est le Championnat d’Europe, épreuve prestigieuse organisée par le Club du Setter Anglais et le Pointer Club qui se déroulera dans ce cadre.
Depuis quelques années, ont également lieu autour de Plovan, des épreuves sur perdreaux. Cet oiseau se trouvant en nombre limité, les participants sont moins nombreux mais tout aussi passionnés. On ne peut passer sous silence toutes ces journées mémorables passées à Telgruc lors des fields d’été mais aussi de printemps réputés pour la qualité des territoires, la densité de
perdrix dont, hélas la chute a mis fin à ces bons moments que tous appréciaient.
De la passion, il faut, en effet, en avoir car gagner dans ces conditions avec cette concurrence exacerbée constitue un exploit. Il ne s’agit plus de trouver un gibier et faire en sorte que son maître soit mis dans de bonnes conditions de tir ; le chien de field est, sur le terrain de chasse, ce que la formule 1 est à la voiture de tourisme. De même que les voitures de tourisme bénéficient des technologies mises en oeuvre en compétition, le chien de chasse hérite des efforts de sélection réalisés en vue des field trial Il doit chasser, certes mais allures, galop, prise de terrain, passion de la chasse doivent être conformes aux critères définis par les Clubs de races ; en outre, les sujets devront même loin de leur conducteur, rester de marbre à l’envol de l’oiseau même si celui-ci jaillit à leur nez ; ils devront également négliger tout gibier « à poil » se trouvant dans leur trajectoire.
Un chien doit donc être doté de toutes les qualités qui font un excellent chien de chasse mais en plus, il doit faire preuve d’un grand équilibre le rendant capable, après un dressage poussé, de conserver sa passion et son brio. De surcroît, s’il veut accéder à la suprême récompense, il doit être supérieur à ses congénères avec qui il partage le terrain sous la houlette d’un juge qui, au vu du règlement, tranchera.
Voilà, en gros, décrites, les différentes facettes de cette compétition que constitue les field trial. Cette activité n’est plus, à dire vrai, de la chasse mais elle en est la « cousine » car le gibier et sa recherche en sont le dénominateur commun. Il est, après cette description, inutile, j’en suis persuadé, de vous dire la difficulté de percer dans ce domaine car tant au niveau des hommes que de leurs auxiliaires, pour beaucoup de candidats, il y a peu d’élus ; les « grands » chiens, sujets exceptionnels sont rares. Les concurrents le sont aussi et bien des carrières d’amateurs sont éphémères. Il faut beaucoup de persévérance et d’abnégation ou parfois une chance inouïe pour atteindre et se maintenir à un bon niveau.
On peut aussi, avec philosophie, se dire que l’essentiel est de participer et que même si on ne gagne pas, on aura espéré, on aura aussi eu le droit au »bol d’air » à la découverte de la nature avec tout ce qu’elle recèle dans sa flore et sa faune en compagnie de son chien qui, lui ne sait toujours pas s’il a gagné ou perdu ; il s’en fiche bien d’ailleurs du moment qu’il aura recherché et trouvé le gibier qui le passionne en compagnie de son maître avec qui il partage un amour réciproque.
Donc, au vu de ce que je viens de décrire dans ces quelques lignes, celui qui entraîne ses chiens d’arrêt en vue de les mettre dans ce circuit est à l’opposé du « viandard » qui ne le ferait que pour repérer le gibier afin de mieux l’exterminer le moment venu. Tout au contraire, ce qu’il se dit c’est que tout gibier qu’il abat ne pourra plus servir à mettre son auxiliaire en présence ; celui-ci, contrairement aux idées reçues n’a, d’ailleurs, point besoin de prendre un oiseau dans sa gueule pour conserver sa passion qui est, avant tout, innée. Au contraire, il aura à coeur de tout faire afin
que les territoires qu’il utilise soient les plus riches au niveau de la faune et des milieux.
C’est ainsi, qu’à titre individuel, il est fréquent qu’ils implantent dans ces territoires des oiseaux fixés par divers moyens afin de multiplier et faciliter les possibilités de rencontre. Ils le font d’ailleurs, la plupart du temps, en ayant conscience qu’au moment de la chasse leur effort sera réduit à néant mais cela fait partie du jeu et tolèrent que ceux qui ne partagent pas leurs convictions s’adonnent à leur manière au plaisir de la chasse.
Du point de vue législatif, les démarches, jadis complexes (Il fallait l’autorisation des propriétaires ou ayants droit, une copie du carnet de travail attestant la participation effectives aux épreuves ;
celle-ci était soumise à la DDA qui, bien souvent demandait l’avis de la Fédération ; elle revenait, par les services du Préfet aux mairies et aux instances concernées) Actuellement, tout est bien plus simple, l’autorisation du propriétaire suffit. En conclusion, après avoir, je l’espère, éclairé votre lanterne sur cette discipline qui tend à se démocratiser, ce comportement idéaliste pour beaucoup, doit contribuer à réhabiliter la chasse dans l’opinion publique dont elle souffre actuellement tout comme le fait de remettre à l’eau un poisson fait que la pêche est mieux admise. Puisse t’elle tenter d’équilibrer les excès de quelques uns dont les médias se font un plaisir de relater les exploits de nature à jeter l’opprobre sur le monde des chasseurs qui, dans leur grande majorité, sont des amoureux de la nature et n’aspirent qu’à y trouver un lieu de détente propice à se ressourcer.
Ce panorama du monde de la chasse serait incomplet s’il passait sous silence un aspect peu glorieux qui tend à se développer autour de ce gibier fétiche : la bécasse. En effet, celui-ci fait actuellement l’objet d’une telle convoitise que toute une machiavélique entreprise mercantile s’est développée, ayant pour effet d’altérer l’exercice de la chasse populaire. Si le commerce de cet oiseau est interdit, celui de sa chasse ne l’est pas et l’engouement actuel fait s’envoler les prix, faisant ainsi le bonheur de spéculateurs peu scrupuleux qui n’ont que faire de l’éthique si chère à la grande majorité des chasseurs.
Afin de terminer mon propos sur une note optimiste, je me réjouis que le chasseur actuel ait une ouverture d’esprit suffisante qui tolère, en tant qu’amoureux de la nature, que d’autres, dans d’autres registres, puissent la partager avec lui et que tous, dans un élan commun, fassent le maximum afin de la préserver au niveau de sa faune et de sa flore tout en la maintenant accessible à tous.
Je vous souhaite, pour conclure, de bons moments dans cette nature si généreuse qui, malgré les outrages qu’elle subit, nous invite à y passer encore de bons moments.
Louis GRALL, juge de Field, membre du Comité du CSA et de l’ACTB (Société Canine bretonne)