Revue 96, février 2017. Interview par Jean-Baptiste Drain.
Dresseur et éleveur bien connu des circuits bécassiers et Montagnards JM Guette s’y est forgé une solide réputation en remportant avec ses chiens un Saladini Pilastri, plusieurs Péracino et autres Championnats d’Europe. Cette année fut remarquable pour lui puisque avec deux chiennes différentes il remporta les deux compétitions. Une seule ombre au tableau : la perte accidentelle de IKO la chienne de Franck Chevillon dans laquelle il fondait beaucoup d’espoir.
J-B Drain
JBD : depuis tes débuts dans la race avec Porto as-tu noté des évolutions notables dans la race ?
JMG : les allures ont, me semble t-il, évolué plutôt favorablement. Je l’ai observé entre autre sur les chiens que j’ai présentés de Porto à Cow-boy en passant par Touffik. En revanche j’ai noté une baisse du tempo, de l’endurance, de l’amplitude de quête et surtout de capacité de concentration sur la chasse. En résumé une diminution de la passion.
JBD : Une résultante de la sélection ?
JMG : sans doute….
JBD : la tienne est basée sur quels critères
JMG : j’apporte beaucoup d’importance à l’esprit chasseur et l’endurance car ces deux qualités sont primordiales pour fabriquer nos futurs chiens de chasse. Avant d’utiliser AKER, le frère de AS, je l’ai testé en Montagne comme Franck(Chevillon) l’a fait de son côté avec Al Queida. D’où l’importance pour moi des deux compétitions que sont la montagne et la bécasse. Je m’explique, au printemps en GT ou en GQ, disciplines que par ailleurs je respecte complètement, quelle est la
durée réelle d’un parcours ? dans la majorité des cas 10 à 15 minutes tout au plus. A la montagne et à la bécasse les occasions de rencontres sont moins nombreuses et les chiens méritants doivent faire leurs preuves lors de reprises qui peuvent parfois approcher ou dépasser l’heure.Sans endurance pas de classement possible.
JBD : le printemps ça te tente ?
JMG : oui forcement !! j’adorerais !!
JBD : tu attends quoi ?
JMG : Je suis absent de chez moi de juillet à décembre, je respecte trop mon épouse pour lui infliger quatre mois de plus.
JBD : En élevage tu aimerais fixer quoi ?
JMG : La passion, l’endurance et le nez. Ensuite je choisi les chiots sur leur tempérament et leur morphologie, mais en réalité je laisse ce choix à ma femme qui se trompe rarement et en qui j’ai une totale confiance.
JBD : Et pour l’étalon ?
JMG : Quand il me plaît je l’utilise sur toutes mes femelles mais force est de constater que c’est souvent sur les mêmes que la réussite est au rendez-vous, d’où l’intérêt d’utiliser des lices de premier ordre.
JBD : Les qualités requises pour faire un grand chien de montagne et de bécasse ?
JMG : C’est un peu différent. Pour la Montagne il faut un chien puissant, avide, un gros physique, avec une amplitude de quête importante. Il faut aussi qu’il chasse avec les yeux, en montant, en ne négligeant aucune place du terrain donné à faire.
Pour la bécasse les données sont plus complexes en réalité. Le chien doit analyser beaucoup de paramètres.la vue bien sûr mais également l’odorat branché en permanence.
Je me plais à penser, cela n’engage que moi, que le terrain où se trouvent les oiseaux a des
odeurs particulières qui guident également le chien dans ses évolutions lui permettant de
privilégier certaines places pour en négliger d’autres.Du mental aussi, il lui en faudra pour pénétrer le biotope souvent hostile et piquant.Il faut donc un guerrier mais malin avec, en plus, une grosse mémoire !!
JBD : plutôt Ulysse que Hercule en fait !
JMG : tout à fait !!!!!(rires)
JBD : j’ai constaté que tu arrivais souvent avec des chiens bien mis et qui montaient en puissance au fil des épreuves. Est-ce le fruit d’une longue préparation ou d’une longue sélection ?
JMG : les deux, en fait. Je sélectionne dans un premier temps les chiens aptes à la discipline puis ils subissent une préparation physique spécifique.
JBD : ta recette est secrète ?
JMG : Non !!du tout !! A partir du premier juillet les chiens sortent tôt le matin ou tard le soir en montagne pour une durée qui ira crescendo. Entre chaque sortie ils observent un repos de quatre jours nécessaire à la récupération et afin de garder l’avidité. Les chiens ayant tous un métabolisme différent, j’apporte un soin très particulier à la ration alimentaire qui sera adaptée individuellement suivant leurs besoins. Je leur apprends bien sûr à monter à l’ordre même si parfois cela se fait naturellement.
Ensuite, viennent les comptages dans les Alpes pour parfaire les réglages, les parcours et les sagesses.
JBD : A propos des sagesses, les tiennes sont toujours propres, tu as un secret ?
JMG : Non, aucun. Je procède de façon très classique sur pigeon dans un premier temps puis sur coqs pendant les comptages. Mais pour être franc avec toi, en concours, je serre toujours les fesses sur le départ de l’oiseau car avec ces satanés tétras à l’envol bruyant au ras des moustaches souvent aucune sagesse n’est jamais parfaitement acquise.
(rires)
JBD : Et pour passer de la montagne au bois ?
JMG : un temps d’adaptation, tu le sais bien, mais qui se fait naturellement, tout en douceur, le temps que le chien reprenne ses marques.
JBD : A propos de Montagne, ta dernière saison ?
JMG : Merveilleuse… Un véritable rêve !!Une de mes plus belle saison. Des jeunes qui m’ont donné beaucoup de satisfaction et de bonheur.
JBD : Tu imaginais avoir autant de réussite ? Le Péracino et les championnats d’Europe !!
JMG : sincèrement non…. ! Mon objectif était de classer tous mes chiens même si certains m’avaient montré des qualités énormes, je ne pensais pas aller si loin. Juste un petit regret pour Hiro qui m’avait ravi à l’entraînement et que je n’ai pas réussi à classer.
JBD : IKO ?
JMG : certainement la meilleure chienne qu’il m’a été donné de conduire… ENORME trouveuse, belle lice, styliste…. A l’entraînement brillante, oui bien sûr, mais elle a littéralement explosé pendant les concours.Régularité incroyable. Elle a de la chance certes d’avoir des oiseaux à tous les parcours mais elle les prend systématiquement !!Et puis l’intelligence de la chasse !!Tu te souviens à St Michel de Chaillol quand elle va prendre un point sur un jeune !!on la raccroche, on revient au point de départ pour la lancer en montant, elle s’exécute mais revient sur le lieu du point et reprend l’arrêt au même endroit…et là il en repart deux autres !!Elle savait qu’il en restait !! C’est ça, l’intelligence !!
JBD : Je m’en souviens parfaitement !! mais aussi du parcours d’école qu’elle avait fourni à Lans le villard au Val Cenis… !!
JMG : …C’est une perte énorme… (son regard s’embue, sa voie s’étrangle… on passe vite à autre chose..)
JBD : Et Gin à Benjamin ?
JMG : une grosse montée en puissance aussi, une chienne pétillante qui a du brio. Comme son grand père Porto, opportuniste, quand la chance se présente une fois, elle sait la prendre, sans bavure.
JBD : une dernière question….un peu soupe au lait parfois, on dis souvent que ton humeur dépend du nombre des classement de tes chiens… vrai ou faux ?
Rires..
JMG : Tu sais… je viens pas là pour faire de la figuration, je suis un compétiteur, j’aime gagner. Quand je conduis, je suis dans ma sphère. Un peu « épidermique » ….oui certainement.
Grand sourire complice.
JBD : Merci !