Revue 96, février 2017, un article de Jean-Baptiste Drain.
Il serait sans doute un peu osé, pour ne pas dire hasardeux, d’affirmer que Ludwig van Beethoven, en composant ses « écossaises » avait eut en tête la chasse de l’oiseau emblématique de cette contrée, en revanche, il avait déjà su, rendons lui grâce sur ce point, mettre en avant le particularisme de ce pays.
Plus que mes lointains souvenirs de conservatoire, il faut bien l’avouer, ce sont les écrits et les conseils d’autres virtuoses de la gâchette cette fois mais néanmoins amis, le trio Fredo Riniéri, Charles Marie Graziani les corses, ainsi que le méridional Stéphane Moulin qui ont influé sur cette nouvelle destination cygénétique ; sans oublier, bien entendu, les boulversants et émouvants récits, diverses vidéos et mélodies d’un autre compositeur de renom en la personne notre cher docteur Mac Mimouni.
Fort de leur solide expérience nous nous sommes rendus sur les mêmes territoires, gérés de main de maître par le solide Colin (1.95 /120 kg….) secondé par ses deux acolytes Mike et Jimmy chargés de nous accompagner sur les terrains et ce par le biais de l’agence UCP dont le représentant Pierre-Jean Lacombe ne laisse rien au hasard.Restons en musique ,félicitations à ce quatuor que le célèbre maitre de Bonn n’aurait sans doute pas désavoué.
Parti en famille avec quelques amis Helvètes, j’avais, pour ma part, opté pour la traversée en bateau moins onéreuse que le schutel compte tenu du nombre de chiens embarqué et ne redoutant pas sur ce bras de mer de grosses « tempêtes ». La semaine réservée étant celle du 14 au 20 août, juste après l’ouverture du « glorious twelve »,la perspective de tomber sur des oiseaux fraîchement nés jamais chassé, m’avait incité à prendre 4 jeunes chiennes accompagnés
d’un adulte, leur mère en l’occurrence, afin de parfaire leur éducation. Deux d’entre elles sortaient juste de chez l’ami Michel Vassenet d’un petit stage de « sagesses »…
Il est prudent, pour d’évidentes raisons de fatigue, quand on habite au sud de la Loire, de prévoir le trajet en deux temps: Une première partie comprenant la traversée de la
manche suivie d’une remontée de l’Angleterre jusqu’au nord de Londres puis la deuxième
jusqu’à destination entre Crieff et Dunkeld. Les autoroutes anglaises sont gratuites mais
souvent fort chargées notamment aux abords des grandes agglomérations et il est fréquent de se retrouver bloqué dans de terribles et « Pathétiques » bouchons.
Sur place nous disposions d’un lodge très cosi tout confort, clos de murs, parfait pour la détente des enfants et des chiens .La chute de la livre annoncée pourtant de façon irréfutable par nos médias et nos politiques n’ayant pas eu lieu, bien au contraire, il a fallu, pour l’instant du moins, prévoir un change légèrement défavorable. En revanche les produits de consommation étaient de qualité, vendus dans de petites coopératives de producteurs, les Anglais ayant eu vraisemblablement la sagesse d’échapper ainsi aux affres de la grande distribution.
Avant de parler de la chasse proprement dite, il parait nécessaire d’évoquer la nature et la gestion des territoires fréquentés. Le Royaume-Uni n’ayant pas subit, dans son passé, de révolution, les territoires de chasse appartiennent, comme en Espagne, à des privés. Pas de communale ici bas ni d’ACCA, le chasseur est dans ces contrées avant tout un client. Leur gestion est donc radicalement différente de celle pratiquée dans l’hexagone de part l’étendue des propriétés et la nature même de la clientèle. A titre d’exemple la superficie de notre territoire était d’environ 20 000 hectares…..
La chasse est ici un buisness savamment et scientifi quement orchestré. Chaque gibier ayant un prix calculé sur celui de son revient est vendu ensuite à l’unité ou par « brasse »(une paire ) pour les grouses. Elle est ainsi naturellement le premier fournisseur d’emploi et de richesse dans cette région qui voit fl eurir pour cette raison des métiers inconnus chez nous. Ainsi chaque propriétaire dans un soucis de rentabilité emploie un « headkeeper », sorte de régisseur, à qui incombe la responsabilité du territoire, de son aménagement et de sa gestion.
Ici toutes espèces chassables, Grouses, lièvres mais aussi cerfs que l’on peut apercevoir parfois lors du franchissement d’une crête ou le soir à la faveur d’un « clair de lune », bénéficie d’un traitement spécial de façon à favoriser et potentialiser son développement.
Pour les grouses qui nous intéressent en particulier, ne se nourrissant majoritairement que de jeunes pousses de bruyère, on brûle certaines parcelles pour obtenir leur régénération afin d’ offrir à ces dernières une nourriture plus abondante. Cette pratique confère de plus aux paysages déjà somptueux, fait de nuances de mauve de brun et de vert, un aspect en damier caractéristique et saisissant. Peu ou pas de nuisibles sur ces territoires, ceux–ci subissant une pression de tous instants.
Avec tous ces efforts ont arrive à une élévation notable des populations, voire parfois une sur concentration propice naturellement aux infections et parasitisme en tout genre.
Pour s’en prémunir les animaux tués font fréquemment l’objet de prises de sang pour
analyse. Si un germe ou un parasite est détecté, il sera disposé sur des petits tas de
pierre prévus pour l’alimentation des oiseaux dans leur nourriture, le principe actif utile à leur guérison.
Inventeur du golf, entre autre, et des chasses en battue, l’anglo-saxon y voit là, de toute
évidence, une agréable façon de se rencontrer et de se divertir entre personnes aisées de la city afin de discuter affaires autour d’un lunch après avoir proprement sèché avec sa paire de Purdey, Boss ou autres Holland and Holland quelques « brasse of grouse ». Le gestionnaire en quelques heures et avec peu de moyens humains en aura vendu plusieurs centaines sans grands efforts.On comprend mieux ainsi pourquoi nos chiens et leurs propriétaires ne sont pas forcément les bien venus sur ces territoires, préférant la quête courte et mathématique du springer levant des oiseaux stoppés net en plein vol par les fortunés tireurs embusqués à quelques centaines de mètres de là, cachés dans leur buts, aux courbes plus aléatoires des setters ou autres pointers filant au gré du vent, dont la recherche permettra au mieux le tir d’un ou deux oiseaux dans le meilleur des cas par leur seul propriétaire. Curieux paradoxe que celui-ci, les inventeurs de nos races de prédilection préférant les voir évoluer sur des terrains autres que les leurs… Il faut le savoir, afin de ne pas arriver là bas en pays conquis et plutôt faire parfois profil bas, le Celte étant poli et attentionné si on sait faire preuve d’écoute et de courtoisie mais beaucoup plus bourru quand on fait fi de ses directives et du sens de son poil…
Mais quand on la chance de lâcher ses chiens dans de tels endroits, c’est là, réellement un pur bonheur, un véritable « hymne à la joie », en un mot.. un petit paradis… Peu de pays, à mon sens, offrent une telle densité et qualité de gibier. Les jours ou »ça va bien » on peut espérer plus de 150 levées avec entre trente et quarante points… La grouse étant un tétras elle a en commun avec les autres représentants de l’espèce de tenir comme des pierres les jours de grand soleil. Ceux –ci étant assez rares, il faut bien l’avouer, dans ces contrées où le climat océanique domine, il faut un peu de chance, c’est vrai parfois, pour tomber dessus. Bien lotis, sur cinq jours de chasse quatre ont été de ce type garantissant bien sûr le spectacle mais aussi les photos,qui parleront encore mieux que les mots, la lumière étant le meilleur allié du photographe.
En revanche, en à peine une demi heure tout le travail de Michel Vassenet a été anéanti !! Ayant lâché deux chiennes en même temps celles-ci étaient fréquemment à l’arrêt sur différentes compagnies rendant l’exercice de la sagesse bien plus complexe voir impossible !! Les premières fois, elles résistèrent vaillamment à la tentation mais au bout de la « neuvième » le mal était fait…. ! J’ai donc rapidement abandonné cette torture, les oiseaux partant, de surcroit, souvent au nez et à la barbe des setters alliant le fracas des multitudes d’ailes claquant de concert dans l’air, au chant peu mélodieux et strident qu’ils poussent à leur départ, sorte d’appel ou plutôt d’incitation à la poursuite.
Souvent attendant le retour de ces dernières je fus surpris de les voir rebloquer exactement au même endroit arrêtant après la première dizaine d’oiseaux une autre qui avait mystérieusement su résister à la précédente charge « Héroique » !!!! Leur progression, dans ces conditions, fut fulgurante, la fréquence et la qualité des rencontres les rendant de plus en plus passionnées, « apassionata » diraient nos amis transalpins, si bien que malgré une fréquentation importante de lièvres variables, elles prirent en quelques coups de sifflets l’habitude de les ignorer.
Les jours de grand vent souvent associé à la pluie, le comportement des oiseaux change
radicalement le rendant proche de ceux du perdreaux gris en octobre en période de chasse.
Le tir ne présente pas de difficulté majeure et le quota imposé de 4 est vite atteint. Les sympathiques guides Mike et Jimmy m’ont très rapidement et gentiment donné la permission, la confiance une fois installée, de sortir mes autres chiens sans fusil, avec l’appareil photo.
Chez Colin, le relief est important et les pentes parfois raides. Le point culminant de la vallée approchant les 1000 mètres. Si l’on ajoute à cela un terrain souvent spongieux et tourbeux, il faut prévoir, si l’on veut chasser environ 4 heures, au moins deux « brasses » de chien et des chaussures plutôt typées montagne.
Seule ombre au tableau, le soir et par faible vent sortent de minuscules insectes appelés midjes dont les piqûres provoquent de terribles démangeaisons. Pour s’en prémunir mieux vaut faire appel aux produits locaux, les repellents vendus chez nous étant à priori inefficaces.
La fin de journée donne l’occasion d’un rassemblement convivial au rendez vous de chasse autour, au choix, d’un scotch of course, d’une bière locale ou d’un thé;ici chacun aura
l’occasion de raconter ses éventuels exploits, voir pourquoi pas d’exposer ses clichés.
Du soleil, des oiseaux sauvages par centaines, des paysages à couper le souffle, le bonheur d’y voir évoluer ses chiens, une ambiance chaleureuse que demander de plus… ? What else ?
Vous l’avez bien compris les journées en Ecosse étaient bien remplies, pas le temps d’écrire une seule lettre ….même à Elise….
Jean-Baptiste Drain
Ps : amusez vous à retrouver dans le texte quelques célèbres compositions de L.V Beethoven…